La grippe pourrait compromettre la santé du cerveau
La grippe pourrait compromettre la santé du cerveau Dr Véronique Nguyen
Une étude chez la souris révèle que certains virus influenza A (H3N2 et H7N7 mais non H1N1) peuvent déclencher une neuroinflammation prolongée, associée à une perte de connectivité neuronale hippocampique et à des troubles de la mémoire. Ces effets sont plus sévères avec l’H7N7 neurotrope, révèle l’étude parue dans le « Journal of Neuroscience ».
La grippe est principalement considérée comme une maladie respiratoire aiguë. Toutefois, des complications neurologiques (épilepsie, encéphalopathie…) sont observées avec des virus grippaux de type A qui sont neurotropes, c’est-à-dire pouvant entrer dans le cerveau et s’y répliquer, mais qui sont aussi non neurotropes comme on a pu l’observer avec le virus A H1N1, notamment chez les enfants.
Hippocampe sensible à la neuro-inflammation
En fait, on sait maintenant qu’une stimulation immune périphérique peut affecter le cerveau par le biais d’une activation secondaire de la microglie, les macrophages du cerveau. Or l’hippocampe, région cérébrale clé pour l’apprentissage et la mémoire, est particulièrement sensible à la neuro-inflammation. Des études chez la souris ont montré que, à la phase aiguë de la grippe, la neuro-inflammation peut entraîner des anomalies morphologiques des neurones de l’hippocampe, anomalies qui sont associées à des déficits cognitifs. Mais jusqu’ici, les effets à long terme n’avaient pas encore été étudiés.
« Cette étude apporte maintenant la preuve que la neuro-inflammation induite par l’infection grippale de type A peut entraîner, selon les virus, des altérations prolongées de la connectivité neuronale, encore décelables plusieurs mois après l’infection, et des troubles de la mémoire chez les souris adultes », explique au « Quotidien » le Pr Martin Korte, chercheur à l’université technique de Brunswick (Allemagne).
Des implications différentes selon les virus influenza A
Les chercheurs ont constaté que le virus H1N1 (non neurotrope) n’affecte pas la mémoire ni la morphologie des neurones au-delà de la phase aiguë. Par contraste, une infection par le virus H3N2 (non neurotrope), ou par le virus H7N7 (neurotrope), déclenche une activation prolongée de la microglie, une perte des synapses dans l’hippocampe, qui est importante un mois après l’infection et ne revient à la normale que 3 mois après, et des troubles de la mémoire spatiale. En outre, ces effets sont plus importants avec le virus H7N7 neurotrope.
Des implications cliniques :
« Dès lors, une infection grippale chez l’homme pourrait non seulement entraîner des réponses aiguës dans les organes infectés, mais aussi déclencher une neuro-inflammation associée à des altérations chronique dans le système nerveux central. Chez les sujets jeunes, ces déficits cognitifs seraient réversibles », estime le Pr Korte.
« Nous voulons maintenant explorer si une vaccination peut protéger contre les perturbations cognitives post-infectieuses, ce que nous prévoyons. Il nous faut aussi examiner comment les souris âgées réagissent ; des données préliminaires nous laissent penser qu’elles réagissent plus fortement et que les déficits cognitifs sont irréversibles. Ceci pourrait signifier qu’une infection grippale sévère chez les sujets âgés pourrait représenter un facteur de risque pour les maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, lesquelles sont influencées en partie par une réponse inflammatoire importante du cerveau », confie-t-il.
Les auteurs suggèrent que « des approches visant à contrôler l’activation de la microglie pourraient offrir une future stratégie pour prévenir les effets chroniques néfastes de la grippe sur le cerveau, notamment dans les groupes de patients très vulnérables ».